Le petit bateau vert

C’est un bateau. Un petit bateau vert.

Chaque matin, je le voyais en ouvrant la fenêtre. Il attendait bien sagement, dans la port de Ploumanac’h, un peu penché sur le côté à marée basse, quand l’eau s’était retirée, ou droit sur sa quille, prêt à partir, à marée haute. Un petit bateau sympathique et presque familier, que j’aimais voir avant chaque départ et retrouver chaque soir, au retour. Parfois, il s’en allait. Oh, pas bien loin. Juste un petit tour dans les eaux calmes du port. Il revenait ensuite à sa bouée, tel un convalescent, et nous nous engagions dans un dialogue silencieux mais confiant, durant lequel je revoyais tout ce que nous avions découvert, exploré, aimé dans la journée.

Ma première confidence concerna l’église de La Clarté, ses nombreuses statues et ses bateaux en forme d’ex-voto.

Puis ce fut Ploumanac’h.

Souvenir vieux de plus de trente ans de ce petit port tranquille qui était resté gravé dans ma mémoire mais dont les années, comme souvent, avaient déformé les lignes, les dimensions et les couleurs. Tout au bout du « Quai Bellevue Thierry Le Luron » (parce que l’artiste y possédait une petite maison) nous attendait l’hôtel des Rochers qu’on ne peut passer sous silence.

Ce qui frappe tout d’abord, c’est l’accueil. Une équipe très jeune, qui a repris cet établissement voici trois ans, l’a entièrement rénové avec un mélange heureux de goût et de confort, et vous reçoit comme si vous étiez des amis d’amis. Presque comme si on se connaissait. Des chambres joliment décorées, des salles de bain confortables et une ambiance bon enfant dans laquelle on se sent chez soi, à quelques mètres du port.

Le matin, au moment du petit déjeuner, le spectacle du port s’offre à vous depuis la grande salle aux larges baies d’où vous voyez, selon les jours, l’eau se retirer délicatement ou au contraire, à marée haute, occuper tout l’espace et donner aux embarcations une folle envie de départ.

Quant au restaurant, sur votre gauche en entrant, il vous offre une carte délicate et savoureuse, même pour ceux qui ne peuvent pas manger de fruits de mer. Et notre conversation avec la jeune Anna, qui par deux fois s’occupa de notre table, ne manqua pas de saveur elle non plus.

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A peine posés les bagages, voici monter l’envie de respirer l’air de la mer et de retrouver ce sentier des douaniers parcouru trente ans plus tôt. Il faut, pour s’y rendre, aller jusqu’au bout du Chemin de la Pointe où se trouve l’hôtel, passer devant le bureau du port, tourner sur la droite et s’engager entre des arbres aux formes tourmentées. A travers les branches se dessinent l’entrée du port et les premiers rochers qui vont jalonner notre balade.

Encore quelques arbres dont les branches forment un couvert, puis le chemin se dégage et commence à suivre la côte. Etonnante Côte de Granit Rose comme il n’en existe que deux autres sur terre, l’une en Corse et l’autre en Chine ! Autant dit qu’il s’agit pour le Trégor d’un véritable joyau qui attire chaque année 800.000 marcheurs !

Formée voici quelque 300 millions d’années, elle s’étire sur une quinzaine de kilomètres, de Trébeurden à Perros-Guirec, offrant le spectacle saisissant de ces rochers de granit auquel le feldspath donne sa couleur rose.

Venez, faisons quelques pas ensemble le long de ces immenses blocs de granit vieux de quelque 300 millions d’années, que le vent, la pluie et la mer ont lentement sculptés, érodés, lissés, pour leur donner leurs formes d’aujourd’hui dans des amas qui sont parfois de vrais défis aux lois de l’équilibre.

Le sentier va nous mener à Saint-Guirec, petit bourg du nom d’un saint abbé breton du VIIème siècle dont on dit que, venu d’Irlande avec d’autres religieux, il aurait traversé la mer dans une auge de pierre, et débarqué sur la grève de Ploumanac’h. Il aurait ensuite vécu dans un petit monastère, au pied de Perros, et serait devenu abbé de Traou-Perros .

Lorsque les jeunes filles restaient célibataires plus longtemps que la normale, la légende affirme qu’elles venaient piquer une aiguille dans le nez de sa statue, placée sur la plage dans un petit oratoire de granit. Si l’aiguille y demeurait plantée, youpi ! La jeune fille avait l’assurance de trouver un mari avant la fin de l’année. Sinon… On peut s’en douter, la statue ne résista pas longtemps à pareil traitement. Pour éviter le pire, elle fut mise en sécurité dans la chapelle qui porte aujourd’hui le nom du saint, et remplacée par la statue en granit que l’on peut voir à présent.

Chapelle Saint-Guirec

De l’autre côté de la plage se trouve une phrase étrange gravée sur une plaque métallique : « Le chapeau de Napoléon est-il toujours à Perros-Guirec ? » Lancé par la BBC en 1944, c’est ce message qui devait « déclencher le soulèvement général des maquis bretons. »

Passée la plage de Saint-Guirec, le sentier des douaniers reprend forme. Tandis que les rochers jouent avec la marée, la lande s’étire et se baigne de lumière, accompagnée du vol élégant des goélands qui ne cessent de crier.

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Ce premier soir, et cela se renouvela presque tous les jours, accoudé au garde-corps de la terrasse, vint le temps d’échanger avec le petit bateau vert les impressions de la journée. Sans vouloir jouer au guide touristique, j’aimerais partager avec vous les impressions de cette escapade en Trégor.

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Pour voir ou revoir les différents épisodes du petit bateau vert, cliquer sur :

Episode 1 : La Clarté, l’Hôtel des Rochers, le Sentier des Douaniers

Episode 2 : Trégastel, Ploumanac’h, Perros-Guirec et Bréhat

Episode 3 : Le Yaudet, Locquémeau, Port Blanc

Episode 4 : Kerdalo, La Roche Jagu, Abbaye de Beauport

Episode 5 : Tréguier, Lannion

Episode 6 : Morlaix, soleil couchant