A la suite de la lettre envoyée à un grand nombre de députées et députés,
voici le mail envoyé par Anne BRUGNERA,
députée de la 4ème circonscription du Rhône.
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( Au-dessous vous trouverez la réponse que je lui ai adressée. )
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Bonjour,
Je vous remercie pour votre mail que j’ai lu avec attention.
Attentive aux messages de mes concitoyens, j’essaye de répondre à chacun afin d’expliquer mes positions.
Dans l’ensemble des débats que j’ai suivis à l’Assemblée Nationale, il n’a jamais été question de nier le père dans la vision de la famille que nous portons. Force est de constater que la famille du XXIe siècle est aujourd’hui diverse et qu’avec 27% de familles monoparentales dans notre pays, nous ne pouvons objectivement affirmer que ces jeunes élevés en l’absence du père sont dans une situation « discriminante ». Aucune étude n’apporte la preuve de l’atteinte à l’intérêt de l’enfant. C’est moins le format de la famille qui compte, que la qualité de la relation parent-enfant. Je crois que l’enfant se construit à travers sa famille mais aussi avec l’ensemble des figures, qu’elles soient masculines ou féminines, qu’il est amené à fréquenter dans la sphère familiale, à l’école ou encore dans l’ensemble de ses activités sociales. Ce projet de loi remet au centre du dispositif l’enfant, en lui permettant d’accéder à ses origines.
Ce texte de loi fait primer avant tout l’intérêt supérieur de l’enfant. Ainsi, il ouvre l’accès aux origines pour tous les enfants nés de PMA avec tiers donneur. En effet, deux principes font consensus aujourd’hui. D’abord la nécessité de pouvoir apporter des réponses aux personnes nées d’une PMA avec don sur l’histoire de leur conception, si elles le souhaitent, pour qu’elles puissent se construire. Ensuite, la distinction entre un donneur et un « père » ou une « mère » qui permet d’aborder l’accès à l’identité de manière sereine et claire en termes de filiation. Il n’y a aucun lien de filiation possible avec le donneur.
Sur le DPI-A, aujourd’hui les médecins n’ont pas la possibilité d’identifier les embryons qui ont un réel potentiel implantatoire. Les couples qui procèdent à une Fécondation In Vitro (FIV) subissent donc plusieurs transferts d’embryons dont certains non viables ce qui aboutit à des échecs d’implantation ou des fausses couches (1/4 aujourd’hui) qui pourraient être évités. Les tentatives se répètent ainsi, parfois par dizaine et les médecins ne peuvent apporter aucune réponse médicale à des couples souvent en grande détresse. Le DPI-A permettrait d’identifier en amont les transferts d’embryons n’aboutissent pas à des fausses-couches. Il s’agit là de maximiser les chances d’implantation et de réduire considérablement le temps et le nombre de tentatives pour obtenir une grossesse. Je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas du tout d’une démarche d’eugénisme puisque notre souhait est que ce diagnostic puisse être proposé dans des situations bien particulières à savoir pour les couples qui ont connu des fausses couches répétées ou des échecs d’implantation répétés. L’unique objectif étant d’améliorer le taux de réussite des fécondations in vitro, d’obtenir des réponses en cas d’échecs répétés et de rendre un peu moins pénible les parcours d’AMP.
En résumé, le DPI-A est un outil médical afin de s’assurer du bon déroulement de la PMA, il n’est en aucun cas question d’opérer une sélection génétique. Le texte de loi précise que la décision d’interruption volontaire de grossesse est possible s’il est attesté, par deux médecins d’une équipe pluridisciplinaire, l’existence d’un risque pour la femme ou l’enfant.
Concernant le nécessaire respect de la dignité et de l’intégrité de l’être humain, j’entends vos craintes et je m’oppose à toute dérive de nature à porter atteinte à l’intégrité de l’espèce humaine. C’est pourquoi le groupe parlementaire La République en Marche a proposé plusieurs amendements pour préciser les interdits relatifs à ces recherches. Il a notamment été mentionné dans la loi que, dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation, « aucune intervention ayant pour objet de modifier le génome des gamètes ou de l’embryon ne peut être entreprise ».
Concernant la modification d’embryons par adjonction de cellules provenant d’autres espèces (chimères), le projet de loi a tout d’abord clairement réaffirmé l’interdit de modifier tout embryon humain. Il a ensuite permis de renforcer l’encadrement des recherches portant sur la modification d’embryon animal. Ces recherches existent déjà et ouvrent aujourd’hui à de nouvelles perspectives pour les malades, en particulier en matière de greffes. Elles feront l’objet d’un encadrement renforcé de la part des autorités. C’est donc un texte plus protecteur et pleinement respectueux de nos principes éthiques.
Enfin, concernant la pratique de la méthode ROPA (Réception de l’ovocyte par le partenaire) permettant qu’une femme offre un de ses ovocytes à sa compagne pour que celle-ci porte l’enfant, j’y suis opposée et je voterai contre. La ROPA nécessite une stimulation hormonale et des ponctions d’ovocytes qui ne sont pas des gestes neutres pour la santé de la femme.
En espérant que ces éléments vous éclaireront sur mes choix lors des votes sur ce texte.
Cordialement
Anne BRUGNERA
Députée de la 4ème circonscription du Rhône
Réponse JMT
Chère Madame,
Merci pour votre réponse.
Merci d’exprimer clairement ce que vous pensez.
Que les uns et les autres ne ressentent pas ou n’interprètent pas les évènements ou les informations et les projets de la même manière est tout à fait naturel, puisqu’il y a entre les uns et les autres des ressemblances et des différences.
C’est pour cela qu’il est utile de partager les points de vue.
Je ne comprends pas très bien comment le projet de loi permet à l’enfant d’accéder à ses origines, alors que, ainsi que vous l’écrivez un peu plus bas, « il n’y a aucun lien de filiation possible avec le donneur. »
Bien sûr, deux femmes peuvent avoir un affection illimitée pour un enfant qu’elles ont conçu, je n’en doute absolument pas.
Mais l’enfant, une fois adolescent, constatera qu’il lui manque quelque chose d’important : ce qu’il n’aura pas pu découvrir et comprendre de la vie en l’absence d’un père. Car, si la mère apporte énormément à son enfant, il en va de même du père, dans un contexte et une approche différents.
Je peux vous le dire, ayant perdu mon père lorsque j’étais très jeune. Ma mère m’a apporté beaucoup, elle était formidable, mais ce que j’aurais dû recevoir de mon père m’a énormément manqué sur le plan psychologique pendant très longtemps.
Quant aux expériences d’échanges de cellules, sélections génétiques etc. (je ne vais pas entrer dans les détails), c’est un risque énorme d’une décomposition à venir de l’être humain qui ne sera plus « naturel » mais « fabriqué ». C’est ce que vous pourriez lire dans « MANIGOA », un roman que j’ai publié chez Salvator en 2017 pour mettre en garde les jeunes sur les dangers de ces évolutions et le risque de dégradation de l’humain.
C’est parce que je crains pour l’avenir que je me suis permis d’écrire à beaucoup d’entre vous.
En tout cas je vous remercie de m’avoir répondu.
Bien sincèrement,
Jean-Michel Touche
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