LOI VEIL ET PRATIQUE MEDICALE VECUE 


INTRODUCTION

Je suis Médecin Généraliste dans un centre médical constitué sous la forme d’une Association à but non lucratif ( Loi de 1901 ) agréée, conventionnée par la sécurité sociale et plus de 80 Mutuelles et pratiquant des tarifs homologués.

Depuis la création de la Couverture Médicale Universelle ( CMU ) au profit des personnes résidant en France de manière régulière depuis plus de 3 mois ( Loi du 27 juillet 1999 ) suivie de l’Aide Médicale d’Etat ( AME ) au profit des étrangers résidant en France de manière irrégulière depuis plus de 3 mois ( Décret du 28 juillet 2005 ), l’origine sociologique de la patientèle s’est beaucoup modifiée passant d’une population au niveau socio-économique pluriel mais globalement non défavorisée à une majorité immigrée, sans papiers( AME ) ou régulière ( CMU ) en situation de grande précarité .

Au total , ce sont plus de 100 nationalités très diverses qui consultent en majorité d’origine Africaine et Arabo-musulmane .

° ° °

SAMEDI 1er JUIN 2019

Une jeune Africaine de 22 ans, étudiante, vient me consulter alors qu’enceinte de 5 semaines, son compagnon géniteur, se sentant incapable d’assumer ses responsabilités de futur père, vient de la quitter pour s’installer à l’étranger en application de la formule « Courage fuyons » .

Après s’être interrogée sur les conséquences difficiles de sa situation nouvelle et imprévue par rapport à ses études momentanément compromises et surtout vis à vis à vis des réactions de son groupe socio-ethnique concernant une mère célibataire, ma patiente décide, avec le soutien de sa mère, avant que son père ne soit prévenu, de laisser sa grossesse suivre son cours.

Alors que l’éthique m’impose une neutralité totale, exempte du moindre jugement dans un sens ou l’autre dans ce type de situation médicale, je n’ai pu m’empêcher de valider son choix courageux car les difficultés existentielles actuelles et futures ne manqueront pas.

MES PREMIERES CONFRONTATIONS AU PROBLEME DE L’IVG.

Cette consultation m’a fait revivre ma 1ère expérience de Médecin confronté à une demande d’IVG il y a 47 ans.

* J’exerçais alors en métropole et suivais une famille de 2 enfants qui m’avait accordé sa confiance. Un jour le père vient me voir, très angoissé, pour me dire que son épouse enceinte du 3ème enfant ne voulait absolument pas le garder, n’ayant en outre pas les moyens financiers pour faire réaliser cet acte à l’étranger. Avec beaucoup de précautions oratoires, invoquant outre mon incompétence, ma clause de conscience, je réponds qu’il m’est impossible de satisfaire la demande de son épouse, ne serait-ce qu’en lui indiquant où elle pourrait interrompre sa grossesse dans des conditions de discrétion et de sécurité médicale de manière à éviter les foudres de la loi pénalisant l’IVG avant la Loi VEIL.

Après avoir maintenu mon refus malgré l’insistance du père de famille, ce dernier me déclare  » Docteur vous n’avez pas compris la détermination de ma femme fermement décidée à interrompre sa grossesse  et cela risque de mal se terminer ……… »

Quelques jours plus tard, il passe à mon cabinet pour me dire, qu’après avoir remis son sort à une  » faiseuse d’anges « , son épouse était en coma en service de réanimation avec un pronostic vital engagé. Finalement, après des soins intensifs appropriés la patiente se remettra de ce mauvais pas médical mais, ayant perdu la confiance de cette famille, je ne la reverrai jamais plus .

CETTE EXPERIENCE PROFESSIONNELLE, OU LE RESPECT SANS CONCESSION DE MON ETHIQUE, ALLAIT SE TRADUIRE, NON SEULEMENT PAR LA PERTE D’UNE VIE EN COURS DE DEVELOPPEMENT, MAIS PAR LE RISQUE DE DECES D’UNE MERE DE 2 ENFANTS, ME MARQUERA DURABLEMENT.

En 1973, en poste outre-mer, je suis de nouveau confronté à la même demande de la part d’un ménage de 2 enfants à l’abri du besoin. Tout en conservant ma vision éthique de la situation dictée par ma conscience, je leur ai indiqué la clinique où se réalisait ce genre d’opérations dans des conditions de sécurité médico-chirurgicales satisfaisantes.

Plus tard, confronté à la problématique d’une mère de 10 enfants en attente non voulue d’un 11ème, m’indiquant que si elle n’avortait pas son mari la quittait, j’aurai la même attitude que dans la situation précédente décrite supra.

LA LOI VEIL DU 17 JANVIER 1975

Sa vocation initiale :

Elle dépénalise l’I.V.G. devenue légale avant la fin de la 10ème semaine de grossesse sous certaines conditions :

* Situation de détresse notamment en cas de viol, d’inceste… etc. * Intervention réalisée par un médecin dans un établissement hospitalier * Deux consultations médicales séparées par un délai de réflexion d’une semaine * Volonté de la mère confirmée par écrit * Clause de conscience du médecin respectée * Péril grave pour la santé de la mère.

Evolution de la loi :

C’est le propre des lois initialement votées dans des conditions bien définies de subir des amendements successifs au fil des ans, des gouvernements en place subissant les pressions du corps électoral de telle sorte que, généreuse dans son intention de soulager des situations de détresse exceptionnelles, la loi sera pour partie vidée de son sens initial. En effet, pour des raisons compréhensibles mais discutables, (nécessité de compenser les retards dans la prise de décisions d’IVG ), elle subira des modifications successives avec l’allongement de la date de l’I.V.G. portée de 10 à 12 semaines ( Loi du 30 mai 2001 ) , la suppression du délai de réflexion d’une semaine en 2016 à la demande du planning familial etc… la loi étant devenue pour un nombre non négligeable des patientes que je consulte, surtout dans la tranche 20 -24 ans, un moyen faussement appelé de « Contraception à postériori « .

Chez ces jeunes femmes, Je suis frappé la plupart du temps par la méconnaissance de leur physiologie de la reproduction, le défaut d’utilisation des moyens contraceptifs lorsqu’ils sont utilisés, et, parfois, je dois le dire, la légèreté avec laquelle l’I.V.G. est abordée, ne pouvant soupçonner, dans l’immédiat, les suites psychologiques potentielles à moyen et long terme.

Conséquences sur la natalité :

Le nombre d’avortements annuels en France est à peu près stable depuis 2016 entre 215.000 et 230.000, au moment où le pays vieillit et ne renouvelle pas ses générations. Mais ces chiffres n’expliquent pas à eux seuls cette baisse de la natalité. Certes la France possède toujours la fécondité la plus élevée d’Europe mais elle ne cesse de baisser correspondant à de multiples raisons : * Réduction de la fécondité en recul depuis 4 ans soit 1,8 enfant par femme (au lieu de 2,05 pour le renouvellement des générations) lié à la diminution du nombre de femmes en âge de procréer où elles sont les plus fécondes * Déficit de confiance dans l’avenir * Difficultés et contraintes croissantes pour les familles * Détériorations de la politique familiale……

ENSEIGNEMENTS 

Père de 4 enfants dont 3 filles, qu’aurais je fait si l’une d’elles, à l’aube de sa vie d’adulte, célibataire en âge de procréer m’avait annoncé une grossesse débutante, serais-je resté fidèle aux exigences de mon éthique ??

Incapable de répondre honnêtement à cette question si une telle situation s’était présentée, je n’ai jamais signé de manifeste contre l’avortement par cohérence intellectuelle.

Ce défaut de cohérence entre l’éthique médicale et la complexité des situations rencontrées dans l’exercice de la médecine, parfois contraires à la conscience du médecin, nécessite de sa part une grande humilité.

QUE FAIRE POUR REDUIRE LE NOMBRE D’AVORTEMENTS ?

Bien évidemment, je ne détiens pas la solution d’autant que les lobbies pro-avortements sont puissants, relayés par les leaders d’opinion suivant l’évolution des mœurs et  » l’air du temps « . Mais, sans remettre en cause la Loi VEIL, un certain consensus pourrait être possible entre les  » les pro et les contre  » pour considérer qu’une information bien faite pourrait réduire le nombre d’IVG, la PREVENTION devant être le fondement de l’activité médicale en général.

Elle porterait sur la physiologie de la procréation associée à une utilisation correcte des moyens contraceptifs hormonaux et mécaniques.

La Question est de savoir à quel âge cette information devrait être dispensée et quel serait son contenu ?

Sachant que l’âge moyen des premiers rapports sexuels pour les 2 sexes se situe autour de 17 ans, cette information pourrait être dispensée au moment de la puberté par les familles si elles se sentent capables de la réaliser (ce qui par pudeur partagée des parents et des adolescents est difficile) et par l’éducation nationale lors des cours de S.V.T. (Sciences de la Vie et de la Terre ) au collège puis au lycée .

Cette information indiquerait les étapes chronologiques de développement de l’embryon et du fœtus au cours de la grossesse mois par mois précisant qu’à la 12ème semaine de grossesse le squelette et tous les organes internes sont formés, la plupart fonctionnent déjà. Le fœtus mesure environ 10 cm et pèse 40 grammes, les bruits du cœur du fœtus peuvent être entendus avec une sonde adaptée.

Sauf si la patiente demandait l’information sur l’état de développement de son fœtus au moment de décider de l’IVG, elle ne serait pas imposée pour respecter le libre-arbitre de la patiente et la neutralité du praticien.

REMARQUE sur un autre problème de société actuellement débattu CONCERNANT L’ADOPTION de la loi sur la P.M.A.

C’est qu’au nom de l’égalité des droits à l’enfant pour les couples homosexuels, la loi évolue avec le temps vers la G.P.A. et le risque de marchandisation du corps de la femme.

Dr. Bernard DAUBA-ETCHEBARNE
Médecin-Généraliste

 


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